Prologue :
Le CSSA et ses supporters ont vécu un été 2023
éprouvant pour leurs nerfs,
injuste dans son déroulement, et
cruel dans son dénouement !
On prête à Karl Marx cette citation : « L’histoire ne se répète pas, elle bégaie »…
Dans le cas sedanais, en 122 années d’existences (depuis mars 1901), le club de football de Sedan a connu pendant environ la moitié de sa
vie sportive des soucis financiers.
Les périodes de la préhistoire (1901-1914) et de la protohistoire (1919-1939) du football sedanais sont marquées par un train de vie extrêmement modeste dans les
championnats départementaux
et amateurs que
fréquententl’U.A.S/U.A.S.T. A titre d’exemple, La Dépêche des Ardennes nous apprend que le Racing Club Sedanais touche 100 anciens
francs de subvention annuelle de la part de la municipalité (1/12/1912).
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’anecdote (romanesque au demeurant) est bien connue : L’inamovible André Trubert, dit le « Père Trubert », joueur dans toutes les équipes sedanaises d’avant la Grande Guerre(du Cricket Club Sedanais au Racing Club Sedanais en passant par l’Hirondelle Sedanaise), membre fondateur de l’U.A.S en 1919,
rédacteur du Sedan-Sports, trésorier, cherche donc à remplir les maigres caisses du club : Lucien et Maurice Laurant, à la tête d’une performante entreprise de textile, se montrent si généreux qu’ils intègrent, dès le 15 juillet 1946, le comité de l’UAST. S’en suivent les années glorieuses de l’après-guerre pendant lesquelles le triumvirat composé des frères Laurant et de Louis Dugauguezavait mis au point un système de fonctionnement couplant le statut des
« footballeurs ouvriers » (partageant leur temps entre le terrain de football et l’usine) avec celui de club formateur et révélateur de jeunes talents.
Les années 1960 voient les premiers nuages assombrir les finances du
club.
La décennie suivante – les années 1970 - avec le déclin démographique amorcée de la ville de Sedan (passant de 25000 à
16000 habitants aujourd’hui) et les débuts de la crise industrielle et économique, n’a fait que confirmer les difficultés pour une petite ville de survivre dans l’univers professionnel footballistique des grandes métropoles
françaises. A Sedan, le taux de chômage est élevé, et la part des
habitants non imposables majoritaire. Le
déclin de son club de foot semble inexorable (1).
La revue Arduinna en titrant son dossier « Sedan : Un problème de gros sous » ? (n°1, décembre 1979) ne résume-t-elle pas clairement le souci récurrent de Sedan dans le monde du foot professionnel ? Ses problèmes pécuniaires renvoient également au célèbre adage,
attribué à Cicéron, « l’argent est le nerf de la guerre » continuée par d’autres moyens, ici le football (Pierre Bourgeade, Le football, c’est la guerre poursuivie par d’autres
moyens, 1981).
Regardons en arrière à travers 9 instants douloureux ! Plongeons-nous dans les profondeurs de l’histoire sedanaise, remontons le temps, avec 60 ans de crises financières où le club a failli disparaitre plus d’une fois…
(1) Lire à ce sujet : Marc Barreaud, « La défaite dans le sport à travers la chute du club de football de Sedan » (La défaite, centre ARPEGE, Presses universitaires de Reims, 1994).
1) 1962, première fusion envisagée :
Un an après sa seconde victoire en Coupe de France et
sa confrontation européenne contre l’Atlético de Madrid, l’UAST finit brillamment cinquième du championnat de D1. Mais les frères Laurant sont déjà inquiets pour les finances du club. Les salaires des joueurs ont justement augmenté suite aux belles performances sur les
terrains. Les affluences au stade ne
sont pas assez copieuses (6000
spectateurs de moyenne cette saison-là) pour y faire face. Les dirigeants demandent une subvention exceptionnelle à la mairie. Plus exactement une avance, de l’ordre de… 72000 nouveaux francs (un peu plus de
10000 euros actuels). Refusé pour 4
malheureuses voix manquantes! La majorité des élus sedanais fait remarquer que l’UAST est une «entreprise commerciale capitalistique » dirigée par le patronat du textile… Jusqu’aux années 1980, cette politisation du débat sportif entraine que les collectivités locales refuseront toute subvention publique au club de foot.
En conséquence, La Voix du Nord annonce une fusion avec… Lille (qui joue en D2) sous l’appellation
de « l’Union Sportive Flandre-Ardennes », habillée de maillots rouges avec des parements bleus et blancs ! Un seul match sur trois se jouerait à Albeau !
Face à cette mauvaise surprise, le collectif de supporters « Allez
Sedan » lance un appel au peuple vert et rouge pour combler le déficit ! On ne veut pas voir disparaitre le foot à Sedan où plus d’un million de spectateurs se sont rendus dans le vénérable temple d’Albeau depuis 1953 (et l’instauration du professionnalisme dans la cité de Turenne). L’UAST reste l’UAST ! Et la saison suivante (année 1962/1963) sera l’une des plus fastueuses de l’histoire du
club, le « Grand
Sedan » échouant de peu à
réussir un incroyable doublé Coupe/Championnat !
Dans une tribune rédigée pour Miroir du Football (édition de septembre 1962), Maurice Laurant s’inquiète des conséquences économiques et sportives de la nouvelle loi votée par l’assemblée de la Ligue. Jusqu’à présent, les recettes de billetterie étaient divisées par deux entre le club qui reçoit et le club reçu. C’est dorénavant fini ! Une équipe, comme Sedan qui était alors au sommet de son art footballistique, et par conséquent attirait un public nombreux à l’extérieur, est le grand perdant de cette réforme : « Supprimer le partage des recettes permettra l’épanouissement du football dans les grandes villes ; les grandes équipes doivent appartenir aux centres à population dense »… L’existence matérielle des clubs dans des villes moyennes est remise en cause…
2) 1966, première fusion adoptée :
Un an après la finale perdue (ou volée) par les
« Gamins » de ‘’Monsieur Louis’’, l’UAST se (re)trouve encore dans une situation financière laborieuse : A la fin de la saison 1965/1966, il vient à manquer jusqu’à 30 millions (en anciens francs) dans les caisses du club (70 millions de dépenses annuelles pour environ 40 millions de
recettes). Des affluences trop maigres
(5000 spectateurs de moyenne), et une subvention municipale inexistante font que les dirigeants sedanais doivent donner systématiquement leur caution bancaire, malgré l’habileté de leur gestion. Certes l’expansion des Draperies Sedanaises correspond à l’ascension du club.
Mais, même, la vente des meilleurs
joueurs ne parvient pas toujours à combler le déficit.
C’est alors que l’improbable se produit, à savoir une fusion contre-nature qui parait tout de suite vouée à l’échec, mais qui tiendra pourtant pendant
4 années : Le « petit » Sedan s’allie avec le « grand » Racing-Paris qui dort en D2. Comme l’a écrit Yanny Hureaux dans le Défi de Sedan (publié dans le journal L’Ardennais en 1972), « Paris mendie
Sedan » ! Le club de la
capitale vient chercher la renommée de l’UAST et son capital joueurs. Ici aussi, un seul match sur trois devait se jouer dans les Ardennes. Heureusement la Ligue refuse cette alternance, et toutes les
rencontres du Racing Club
Paris-Sedan (R.C.P.S
1966-1970) se joueront à
Emile Albeau, plutôt qu’au Parc des Princes ! Sedan reste Sedan, avec son courage, son état d’esprit et son ardeur sur cette terre
d’Ardenne !
Mais indéniablement, un désamour s’opère. Pendant cette parenthèse sedano-parisienne de 4 saisons, le public se rend moins
au stade. Pourtant,
les résultats
sont corrects, voire excellents.
Par
exemple, le RCPS termine
3ème de D1 en 1970, sans doute, son « chant du cygne » (Légendes du Foot, Sedan, la sueur et la gloire, 2001). Mais on note une perte énorme de 20000 spectateurs par saison !
Pour la première fois depuis 1946 (date de leur arrivée au club grâce
au ‘’Père Trubert’’), Maurice et Lucien Laurant ont pris une décision impopulaire dont les supporters leur tiendront
rigueur !
En 1972, quand le CSSA réintègre la D1, la
municipalité de gauche refuse une fois de plus toute subvention à son équipe de football, arguant que le stade et la taxe-spectacle sont payés par la mairie.
Au printemps 1974, le CSSA quitte la Première division en finissant à la
dernière place du classement, et rentre alors dans son Moyen-Age footballistique (1975-1999). Comme un symbole, le mythique entraineur sedanais Louis Dugauguez abandonne ses fonctions. Lors de cette ultime saison au sein de l’élite, un peu moins de
100 000 spectateurs ont franchi les colonnes du stade Albeau. Dans le bilan de saison, le journaliste local Daniel Ferrières réaffirme que « dans le monde d’argent du football, Sedan est de plus en plus perdu » (L’Ardennais, 29/05/1974). Dorénavant, le moindre joueur demande plusieurs millions
d’anciens francs pour signer un contrat pro… Sedan est condamné à réaliser des exploits en Coupe de France pour résister dans ce fric-football… Ou à vendre ses meilleurs joueurs :
Mustapha Dalheb est recruté par le jeune PSG pour la somme record à l’époque d’unmillion et demi de nouveaux francs…
Pour continuer d’exister, Sedan fusionne – logiquement cette fois - avec Mouzon (également en proie à des difficultés économiques), devenant ainsi le CSSMA dont le trait d’union est Christian Perrin ! Cette nouvelle alliance en dit long sur
la – calamiteuse
- situation financière du club et par conséquent sur l’ampleur de ses ambitions. Il s’agit simplement à présent de se maintenir, et non plus de rêver d’être en
haut de
l’affiche… Dans les Ardennes, l’industrie textile ne tourne plus guère, et les Draperies sont également frappées de plein fouet par la crise économique.
Un an plus tard, les trois frères Laurant (Lucien, Maurice et Jean-Claude), critiqués, voire insultés, démissionnent le 10 mai 1975, après avoir porté le club sedanais pendant trois
décennies ! Cette fois, dans ce climat d’hostilité, le club a échoué dans sa remontée immédiate. Un chapitre complet de l’histoire du club se referme tristement.
5) 1976-1977-1978, la lente descente aux enfers :
Les saisons pesantes
s’enchainent :
29 mai 1976, Sedan est relégué en 3ème division. C’est le retour au point départ. C’est l’année zéro du foot sedanais, niveau qui était celui du club à l’aube des années cinquante.
Les caisses sont totalement vides. On ne peut même plus payer un entraineur à temps complet ! Les responsables techniques sont bénévoles ! 20 ans après le premier triomphe à Colombes, la débâcle financière est
totale. Mais ni la mairie ni le Conseil Général n’accordent un centime de subvention…
13 mai 1978 : Au bord du précipice, saigné à
blanc, rajeuni comme jamais, le CSSA évite de justesse la rétrogradation en division d’Honneur. Son maintien ne doit qu’à une série finale fantastique de cinq victoires
consécutives ! Sedan continue
de sombrer et tombe dans l’anonymat… que seuls de tristes records viennent éveiller. Comme par exemple la plus faible affluence de toute l’histoire du club à domicile (Le 18 mars 1978,
Sedan-Talange n’attire que 448 fidèles).
Dans ces années sombres où le football de haut niveau a disparu de Sedan, la presse nationale enterre véritablement le
club :
_ « La retraite de Sedan » pour Le Monde (9/10/1976).
_ « Sedan : La fin d’une belle aventure » pour L’Equipe (10/03/1977).
_ « Sedan : C’est la fin d’une belle aventure »
pour France-Soir (3/04/1977).
Le mot de la fin pour Michel Quentin (alias
Claude Dugauguez, frère du coach) : « Depuis 1870, Sedan n’avait pas connu un tel désastre » !
6) Les décennies 1980/1990 : La « longue errance du sanglier*»:
Pendant trois lustres, c’est-à-dire grosso modo les années 1980, et le début des années 1990, l’ancien club phare des Ardennes végète, oscille entre la D2 et la D3. Son budget est très limité. A ce propos, sa santé financière est fragile, voire précaire. Nonobstant qu’un changement de positionnement politique se fait sentir. Pour le maire socialiste Claude Demoulin (1983-1989), le football-spectacle a désormais droit de cité à Sedan ! Les comptes rendus des archivesmunicipales montrent une volonté d’accompagnement financier (léger, mais réel) des élus ardennais, conscients de la réalité (déjà délirante) de l’évolution du football professionnel :
Quoi qu’il en soit, la conclusion de ce rapport
indique le besoin urgent pour le club sedanais d’adopter une organisation cohérente et hiérarchisée (avec un directeur, un comptable, un publicitaire…).
En conséquence, la loi impose désormais aux clubs sportifs dépassant un certain chiffre
d’affaire à recourir à une forme de gestion complémentaire : Le CSSA opte pour la S.O.S (société à objet sportif). En mai 1993, lors d’une assemblée extraordinaire au Club House du stade Albeau, l’association CSSA donne son assentiment à cette nouvelle convention qui intègre des actionnaires
privés (parmi les entreprises
entrant dans l’actionnariat du club, citons Mercedes, Perrin frères, Urano, Roumy, Dauchelle ou encore Leclerc).Le capital est de 800000 francs pour 1600 actions. D’autre part les statuts de la S.O.S précisent que celle-ci gère l’animation sportive,
professionnelle, les actions de sponsoring, et des opérations mobilières et immobilières.
Cette nouvelle structure est censée permettre au football sedanais de poursuivre plus sereinement et sérieusement sa route dans l’antichambre de l’élite.
7) 1995-1996-1997-1998 : Foot, politique, fusion avortée et… DNCG… Les années de plomb…:
L’avenir du CSSA est donc de plus en plus incertain sur fond de carte
post-électorale… Un plan B est activé
par le nouvel édile afin de trouver un nouveau pool d’entrepreneurs sedanais.
Finalement une entrevue secrète entre les nouveaux élus sedanais (dont un adjoint au maire, un certain… Didier Herbillon) et le mécène du CSSA, Pascal Urano, se déroule dans le café « Au Bon Vieux Temps »
(Jacques Bonfils, La guerre de Trois, 2019).
Ainsi, après les turbulences post-électorales, le bon sens a repris le dessus : L’institution CSSA est au-dessus des querelles personnelles. Bref, le foot reprend ses droits à Sedan. Comme le titre L’Ardennais, « Après la pluie, le beau temps… » :
Francis Roumy reste finalement à la tête de la S.A.O.S du club, et André Etchegoimberry est nommé président de l’association en
rassembleur.
Le duo technique Metsu/Le Bihan va pouvoir se pencher sur la préparation de la saison
1995/1996.
Quoi qu’il arrive, Francis Roumy persiste et signe : « La vraie place de Sedan est en division
2 » (dans l’hebdomadaire sportif ardennais, Sport08, n°1, novembre 1996).
L’année suivante (1996), le club réussit ‘’sans difficultés’’ son passage devant la DNCG qui le met au régime sec : Il perd tout de même son statut professionnel. Il ne peut faire signer que des contrats fédéraux avec des montants plafonnés. Et Michel Rouquette, conseiller sportif du boss, est remercié. Pascal Urano « assume » comme il aime à le dire. D’ailleurs, les relations entre la municipalité de gauche et le président Roumy sont bonnes. Un million de francs de subvention, et des travaux sont réalisés au stade pour 2 millions de francs. Contrairement au passé, les pouvoirs publics reconnaissent pleinement la notoriété et la fonction sociale du club. Le club peut aussi compter sur les groupes de supporters « Allez Sedan et « Les Sangliers » qui lancent des bons de soutiens vis-à-vis du CSSA. Cette ambiance sereine permet de faire un recrutement judicieux de joueurs certes inconnus, peu onéreux mais revanchards (Ils s’appellent Nicolas Sachy, Cédric Elzéard, Olivier Quint, Pius N’Diefi…).
En revanche, le premier semestre de l’année 1997 est plein d’incertitudes :
Dans un premier temps, l’URSSAF exige le remboursement d’une dette de 8millions de francs (passif des salaires élevés des années SuperD2 et des résiliations de
contrats des entraineurs limogés), et par
conséquent la DNCG menace de sévir en
envoyant Sedan joué en CFA ! Pire, au cœur de l’hiver 1997, le tribunal de commerce se penche sur le cadavre sedanais, menacé de cessation de paiement, voire de… dépôt de
bilan ! Une souscription des
supporters est lancée pour entretenir la flamme et l’espoir… Finalement, le 24 février 1997 le tribunal de commerce décide de ne pas mettre l’héritier de l’UAST en redressement judiciaire. A noter, qu’en cette froide journée de février, la présence mystérieuse d’un homme d’affaires camerounais, arrivé spécialement de
Saragosse le matin
même par avion, et surnommé le
« Bouygues africain ». Cet
improbable messi se disait intéressé pour investir dans le club… Sans suite…
Toutefois, la partie n’est toujours pas finie pour Sedan ! Et c’est un homme de l’ombre qui va le sauver : Pour la énième fois, Pascal Urano fait le chèque qui permet au club de résorber le déficit et rassure la
DNCG. Il se porte garant sur ses
propres deniers ! Le 2 juillet
1997 (jour de l’étude de l’appel à la DNCG), tout Sedan respire ! Alors que le matin même les rumeurs sont plutôt négatives, la délivrance arrive en fin de journée : Les supporters massés devant la grande tribune d’Albeau d’un autre âge, laissent éclater leur joie. C’était son troisième passage en seulement 15
jours !
Un éprouvant suspense et un long stress de plusieurs mois se terminent enfin pour toute la communauté sedanaise, mais il existe toujours un litige avec l’URSSAF de l’ordre de 4 millions de francs dont un moratoire a été signé. « Il faudra en tirer les leçons… » dira après coup le président Roumy (France-Football, 29/07/1997). Dans les choix de restriction budgétaire à faire, le centre de
formation est fermé, provoquant le départ d’une vingtaine de jeunes joueurs de la réserve…
Cependant, sportivement parlant, Sedan n’a pas le droit à l’erreur lors de la saison suivante, 1997/1998. Urano révèlera plus tard que « c’était une question de vie ou de
mort » ! (Légendes du Foot, Sedan, la sueur et la gloire, 2001). Le 23 mai 1998, une Ola dans le vieux stade Albeau et une victoire 5-0 propulsent Sedan en D2 dans une ambiance de fête totale dans la cité de Turenne.
Mais…
Mais le 3 juin 1998, la DNCG recale le CSSA refusant de lui
(re)donner son statut professionnel. Sedan va réussir son oral de rattrapage grâce à une formidable mobilisation générale, « l’Union Sacrée des
Ardennais » :
Enl’espace d’une semaine, ses supporters
(170000 francs collectés dans 700 chèques), chefs d’entreprises (152 versent 5000 francs chacun) et collectivités territoriales (conseil général et ville de Sedan apportent environ 2 millions de
francs) ont réussi avec succès l’opération « Sauvons Sedan ». La caution finale est apportée par Urano qui par lettre, s’engage personnellement à garantir les 7 millions de francs dus à l’URSSAF (créances fiscales, cotisations impayées…). Conseillé
par un nouveau venu du Sud, Michel Bérard, les dirigeants sedanais ont pu ainsi consolider un budget de 23 millions de francs (dont un tiers provient des droits TV, nouvelle manne financière pour
les clubs pro).
8) 2013 : « Rien ne se fera sans vous » ou la « décennie perdue » :
Entre 1998 et 2013, le club connait une parenthèse
enchantée de « nouveau riche » (Dominique Rousseau, L’Equipe, 29/11/2002), particulièrement apprécié des amoureux du foot (Dominique Sévérac, « Sedan, le gros capital sympathie », L’Humanité, 19/01/2000) à la suite de sa Renaissance sportive lors de cet homérique printemps 1999 (Matthieu Le Chevallier, « La folle nuit de Sedan », Le Parisien, 28/04/1999). Le CSSA, bénéficiaire type du foot libéral à la française (Jean-Luc Ferre, « Sedan bouscule la hiérarchie des comptes », La Croix, 13/11/2000), pratique cinq saisons de D1/L1, et dix saisons de D2/L2. Il peut ainsi percevoir de lucratifs droits TV en constante augmentation (Pierre Grundmann, « Sedan tourne rond et à l’économie », Libération, 9/04/2001). De même le Président Urano vend chaque année un actif du club (comme le faisaient en leur temps les
frères Laurant), c’est-à-dire un joueur côté sur le marché des transferts : Pierre Deblock à Auxerre en 2000(pour 20 millions de francs), Olivier Quint à Nantes en 2001 (pour 25 millions de
francs), Salif Diao à Liverpool en 2002 (pour 7 millions d’euros, soit le plus gros transfert jamais réalisé dans l’histoire du club), ou encore Henri Camara à
Wolverhampton, et
Modeste M’Bami au PSG en 2003 (pour 3 millions d’euros chacun).
Ces sources de
financements (complétées par un
merchandising nouveau et une billetterie en hausse avec la mode des abonnements) permettent au club de grandir, de se structurer au niveau du staff technique et médical et de moderniser ses infrastructures (Blaise de Chabalier, «Sedan, bientôt la vie de château », Le Figaro, 11/03/2000) avec la construction du stade Dugauguez (en 2000-2001), et du centre de Vie Michel Charlot à Bazeilles (entre 2000 et 2002) mais qui a certainement éloigné le club de
ses valeurs populaires et ouvrières (Etienne Labrunie, « Elevé à la dure, Sedan s’accommode mal de son nouveau confort », Le Monde, 25/11/2001).
Le forcing financier d’Urano en 2011 et 2012 pour renforcer l’équipe première afin de faire remonter le club en Ligue 1 va malheureusement être préjudiciable pour le CSSA qui échoue deux années consécutives au pied du
podium…
Malheureusement pour le devenir du club, l’affaire se complique dans cette partie à trois bandes, puisque le Conseil Général doit acquérir le château de Montvillers (évalué à plus de cinq millions d’euros, hors travaux à effectuer) pour ensuite louer cet ensemble immobilier au CSSA nouveau. De fait, les semaines passent, et le repreneur potentiel se sent quelque peu baladé par cette longue attente qui rend la situation de plus en plus délicate. Pour la première fois, le risque d’un dépôt de bilan commence à être évoqué avec gravité dans l’entourage administratif, économique et politique du CSSA. De son côté, la Région, par la voix de son président, le… Sedanais Jean-Paul Bachy observe que le Conseil Régional ne peut pas intervenir financièrement sur ce dossier ni subventionner les clubs sportifs professionnels.
Face à ce danger mortel pour leur club – et alors que le classement sportif ne cesse également de se détériorer en Ligue 2 – les supporters se mobilisent :
Le collectif « Sedanais à jamais » est créé sur le réseau social Facebook.
Outre ce collectif (créé sur le premier réseau social conçu) par les membres les plus actifs du « Kop Vert et Rouge » et des
« Young Boys05 », un groupe
de discussions est également ouvert sur le forum du (premier site internet sur le football sedanais, ouvert en septembre 1997) d’allezsedan.com : « Il faut sauver le soldat Sedan » sur lequel les idées fusent,
et les propositions, plus ou moins
farfelues, affluent.
On peut aussi souligner le fait qu’une manifestation est mise en place devant le stade avant la réception de Tours en L2 (vendredi 22 février 2013). Environ 200 supporters se réunissent devant le parvis du stade. Plus de 3000
signatures sont obtenues sur les pétitions lancées pour espérer la survie du club. En mars, ils se rassemblent de nouveau devant la préfecture.
« Les fastueuses
années Urano du CSSA s’achèvent là où elles avaient débuté, il y a une
quinzaine d’années de cela, devant les juges de la DNCG » écrit Yanny Hureaux dans La Beuquette du journal (16/07/2013).
C’est le choc total chez les supporters qui versent des larmes…
Au cœur de l’été, le tribunal de commerce de Sedan prononce la liquidation judiciaire du CSSA (8 août 2013).
Quant au projet de reprise des frères Dubois, il est
acté quatre jours plus tard (12
août 2013).
9) 2023 : « Sedan ne mourra pas » :
L’objet de cette dernière partie n’est pas de retracer les dix années de présidence Dubois. Pour
l’aspect purement factuel, le groupe Sedan WorkingFootball, l’a réalisé récemment (« Bilan des dix ans », Facebook, mis en ligne le 2/07/2023).
Il serait trop long, fastidieux et épuisant de retracer toutes les péripéties étranges de cette présidence (prince saoudien, Pelé, MBappé (Pas Kylian, mais l’oncle, Pierre), logo, NFT, rachat du stade, « CSSA Global Project », Montvillers, et autres « projets innovants »…).
Après deux belles premières saisons réussies (2013/2015), aussi bien sur le plan sportif
qu’organisationnel, la direction sedanaise
a ensuite multiplié deschoix incompatibles avec son souhait, réitéré maintes fois, de retrouver la Ligue2.
Chaque année, le passage du club devant la DNCG offrait quelques sueurs froides
aux supporters. Malgré les échecs sportifs ou l’arrêt des championnats à cause du Covid, le club repartait toujours (très souvent avec la mention « encadrement de la masse salariale »). Son président, Marc Dubois, réglant par chèque
le trou financier
(pluri-) annuel.
Il faut tout de même s’arrêter sur l’intersaison 2016 qui fut certainement symptomatique de cette navigation à vue : Ce fut surtout la
fin des grands espoirs (utopiques) nés
autour des mirages d’un prince saoudien, promettant la Ligue des Champions à Sedan ! (Interview lunaire donnée au Canal Football Club, sur Canal+, diffusée le dimanche 31 janvier 2016). Les coulisses des relations entre les frères Dubois et le prince Fahd ont également été suivies par France2 (« Un
Prince dans les Ardennes ? », diffusé dans l’émission 13H15 le samedi 18 juin 2016). De multiples incompréhensionsont perduré entre les deux camps, notamment dans les investissements sur le domaine de Montvillers… (Lire le chapitre « Le Prince disparait », Les Audacieux, chronique d’un territoire qui refuse le déclin, par Valérie Alasluquetas et Rémy Dessarts, 2022).
Bref, toute cette histoire rocambolesque a mal fini, coûté cher en argent, en temps et en crédit moral (Antoine Izambard, « Du rififi à Sedan entre le prince saoudien, le club et les intermédiaires », Challenges.fr, 12/07/2016).
Ce qui est plus gênant dans tous ces revirements incessants, est que cela a
plombé la préparation de la future saison 2016/2017 : Après le départ de Roger Lemerre, le passage devant la DNCG fut très tardif (28 juin), et la reprise de l’entrainement tout autant (7 juillet, soit moins d’un mois avant le début du
championnat de National). Résultat des
courses, une rétrogradation sportive en National 2 à la fin…
Faisons un saut dans le temps : Eté 2022. Le
Président Marc Dubois et son directeur sportif Julien Fernandez expliquent vouloir bâtir une équipe sur du moyen terme, pour la voir monter en puissance pendant trois saisons afin d’atteindre la Ligue 2. L’entraineur en place, Olivier Saragaglia, a un contrat qui court jusqu’en 2025 (Anthony Alyce, « CS Sedan Ardennes, les yeux rivés vers le
professionnalisme », ecofoot.fr, 12/01/2023).
Bien que sur le terrain, un maintien confortable soit assuré courant 2023, des nouvelles peu rassurantes commencent à circuler sur les réseaux sociaux et dans la presse :
Dès le lendemain matin de cette cruelle sentence (le vendredi 4/08 à 6 heures !), le CSSA opère une saisie en urgence du tribunal administratif pour contester cette (non) décision. En fin de journée, une incompréhensible et honteuse lettre du COMEX tente d’expliquer l’inexplicable, alors que dans le même temps, Francis Roumy lance une pétition de soutien au club sur Facebook où le #justicepoursedan prolifère avec la force d’un sanglier blessé. Elle recueille rapidement plus de 5000 signatures.
La journée du lundi 7/08 est interminable. Les réseaux sociaux bruissent de rumeurs infondées… tandis que la télévision régionale fait d’ores et déjà la nécrologie du CSSA.
« La FFF a tué le CS Sedan Ardennes » ! Le titre évocateur du magazine mensuel décalé So Foot (21/08/2023) dresse un constat terrible de cet été… Un ‘’13 juillet 2021’’ à l’envers, comme si la FFF n’avait jamais digéré/admis sa décision de remettre, de réintroduire Sedan en National après les années Covid…
Selon Radio8, le dépôt de bilan de la SAS de Marc Dubois a été officiellement présenté au tribunal de de commerce de Sedan jeudi 24 aout pour devenir effectif lundi 28 aout 2023, venant ainsi clôturer cet épisode douloureux.
Conclusion :
Quoi qu’il en soit, le CSSA va
donc repartir en Régional 1 (R1, ex-DH, soit le 6ème échelon), un niveau non fréquenté depuis la saison 1949/1950 !
Il y a tout à rebâtir ! Comme à la fin des années
1940 !
« Le Jour d’après » : Au lendemain de l’annonce du rejet du recours devant le tribunal administratif entrainant la rétrogradation du CSSA en R1, l’équipe B, devenant l’équipe A a joué et fait 0-0 contre Habay-la-Neuve, sur la pelouse d’Hannogne-Saint-Martin, sous les yeux d’une centaine de supporters (9/08/2023).
Le maire de Sedan,
Didier Herbillon, très impliqué dans le sauvetage du club, a été sollicité par deux médias conservateurs pour faire des tribunes, en allant jusqu’à en appeler au
Président de la République ! (Le JDD dans sa version numérique (12/08/2023), et sur CNews, 13/08/2023).
« A Sedan, on n’a pas Macron, mais on
a Herbillon » (tweet de Steph’ Mazzéo, 1/08/2023).
Le Quotidien du
Sport (propriété du groupe Robert Lafont, potentiel investisseur dans le pool de repreneurs) propose aussi régulièrement des articles pour défendre les intérêts du
CSSA.
En ce funeste début d’août 2023, l’association CSSA déménage ses documents administratifs, ses affaires de foot et ses trophées de Montvillers – véritable incarnation du mythe d’Icare à la sedanaise - au stade Dugauguez(dans le local de la billetterie).
Et on se tourne déjà vers
l’avenir :
Une réflexion est en cours pour réaménager le site de l’ancien stade Albeauafin d’y faire pousser les
terrains d’entrainement pour les prochaines générations de footballeurs sedanais !
Un retour aux sources ! Exactement à l’endroit où 100 ans plus tôt
des pionniers avaient érigé le premier stade sedanais, celui dit du Bourrelet (travaux débutés courant 1923, inauguré en septembre 1924 !).
On réfléchit aussi à la réouverture du Club House, lieu
hautement convivial des avants et après-matchs !
De même il est plus que temps – pour que le futur soit construit sur des
fondations solides – d’aménager un espace muséal et un centre d’interprétation au stade qui seraient richement accompagnés par les nombreuses et précieuses archives de Claude
Lambert !
Et pourquoi pas – tant que nous y sommes – pour les puristes de réévaluer la vraie date d’origine du
club sur notre fier blason : L’année 1901 ! Après tout l’année 1919 n’a pas toujours figuré sur nos écuissions. Jusqu’au milieu de la décennie 1990, l’année 1920 prévalait… Mais ceci
est une autre histoire…
Non, Sedan n’est pas
mort ! Une nouvelle histoire est à écrire avec une page totalement blanche !
Face à l’adversité, combien de fois le club de football
de Sedan s’est-il relevé avec abnégation et volonté ?
UNDIQUE ROBUR !
Gageons,
que pour la
reprise du championnat, il y aura une belle fête populaire du football ardennais lors de cette saison 2023/2024.
Quoi qu’il en soit, l’histoire du foot à Sedan - avec ses hauts et ses
bas - continue !
J’entends déjà gronder au
loin dans
l’Ardenne profonde, du côté de Bogny-sur-Meuse,
J’entends déjà monter de feu Emile-Albeau, les âmes du passé,
J’entends déjà rugir Louis-Dugauguez des chants du peuple ardennais :
« Et ils sont là, et ils sont là, et ils sont là… les Sedanais… » !
Jeunes et ardents footballeurs, un siècle de traditions sedanaises vous contemple !
Plus que jamais, ALLEZ SEDAN !
Thomas DELAGE (enseignant en Histoire)